Points de vue | Perspectives

L'industrie automobile et les services de mobilité en France

Se transformer pour mieux répondre aux attentes des consommateurs et tirer profit de la mobilité de demain.

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Le marché du véhicule neuf constitue un défi pour les constructeurs 

En 2017, les véhicules neufs sont vendus à 48% aux particuliers, à 22% aux entreprises, 18% aux concessionnaires et enfin 12% aux loueurs. Les ventes directes aux concessionnaires ou loueurs de courte durée sont bien moins rentables. Or, la part des ventes aux particuliers et sociétés diminue chaque année : 77% en 2010, 72% en 2015, 70% en 2017. Des clients qui achetaient neuf cherchent désormais des occasions récentes. Les ventes directes et aux loueurs permettent, dans un second temps, de satisfaire cette demande.


En 2019,
les ventes de voitures neuves (hors utilitaires) ont progressé de 1,88 % par rapport à 2018 en France, selon le CCFA, avec au total, plus de 2,2 millions de voitures neuves vendues. Au global, ce sont les achats des véhicules de sociétés qui ont tiré le marché en 2019. En effet, les ventes de véhicules neufs aux particuliers ont en fait décliné de 7 % entre 2018 et 2019 (1). Il s’agit principalement d’une conséquence de l’évolution naturelle du marché :

  • le taux d’équipement des ménages en automobile (83 % en 2017) est proche de son maximum : la vente de véhicules neufs repose sur le renouvellement du parc automobile.
  • la durée moyenne de détention d’un véhicule est passée de 3,7 années en 1990 à 5,6 en 2017 : le rythme de renouvellement du parc est plus lent.

Face à cette décroissance du marché ainsi qu’à l’émergence de nouveaux concurrents, les constructeurs doivent proposer des offres complémentaires et se diversifier. Au-delà de la voiture particulière, les constructeurs s’attaquent à un marché des mobilités en plein essor.

Les nouvelles formes de mobilité gagnent du terrain

L’essor de nouvelles formes de mobilité est un enjeu pour les constructeurs automobiles qui doivent composer avec de nouveaux concurrents et se (re)positionner comme des acteurs de mobilité au sens large.

En effet, même si 6 urbains sur 10 (agglomérations de plus de 20 000 habitants) se déclarent toujours dépendants de leur véhicule personnel, on note que plus les français utilisent des solutions de véhicules partagés, plus ils sont prêts à renoncer à leur véhicule personnel (2).

A ce titre, les solutions d’autopartage, de transport public particulier et de libre-service sont de plus en plus plébiscitées. Le succès de BlaBlaCar, service de covoiturage longue distance (8) est incontestable (+71% de CA, +17M de nouveaux membres en 2019). En 2016, le transport public particulier de personnes restait dominé par les taxis qui représentent 78 % de l’offre. La part des VTC progresse de manière importante, passant de 22 % en 2016 à 42 % en 2018 (4).

En parallèle, les ventes d’EDPE (Engins de Déplacement Personnel Electriques), notamment les trottinettes électriques connaissent une croissance fulgurante. Ces dernières ont par exemple progressé de 31 % en valeur et de 5 % en volume en 2019. (3) Jusqu’en juin 2018, les systèmes de trottinettes électriques en libre-service n’existaient même pas !

De son côté, le nombre de systèmes de vélos en libre-service a quasiment doublé en dix ans, passant de 32 à 57 (5). La multiplication de ces équipements traduit une demande grandissante : les trajets en Vélib’ Métropole notamment ont doublé en 2020 par rapport à 2019 (6) et ce malgré la période de confinement.

Les nouvelles formes de mobilité semblent donc avoir séduit de nombreux français.

Les villes se transforment et les outils MaaS se développent pour répondre aux besoins des citadins

Le Mobility as a Service (MaaS) est un concept de mobilité urbaine multimodale qui met la mobilité au service de l’utilisateur. Avec la multiplication des offres de mobilité, le besoin d’outils de MaaS agrégeant l’ensemble des offres – l’information sur le trafic, la planification de voyage et le paiement – se fait plus important. Les plus aboutis de ces outils permettent de choisir, réserver et payer ses trajets multimodaux en une seule fois, en fin de mois. Les plus précis permettront d’optimiser l’itinéraire selon la fréquentation du réseau, la circulation ou les éventuelles pannes.

De nombreuses métropoles françaises sautent le pas, comme Saint-Etienne avec Moovizy 2, développé par Transdev et la métropole (9), Paris avec le pilote MaaX supporté par le projet m2i auquel contribuent Renault et PSA (10), Dijon avec la Divia, Annemasse avec la RATP (11)…

Les possibilités offertes par le MaaS concrétisent l’idée que la liberté ne sera plus dans la possession d’un véhicule, mais dans la capacité à choisir le mode de transport le plus avantageux et pratique pour un trajet donné.

Au-delà du MaaS, les métropoles cherchent à se transformer pour repenser la mobilité urbaine. En fonctionnement ou à l’étude, les projets sont nombreux :

  • Téléphérique urbain à Brest, Medelin, New York, Londres par exemple
  • Taxi volant avec Airbus, Volocopter, Uber/Hyundai
  • Robot taxi/véhicules autonomes avec Navya premier robot-taxi testé en France, Renault, Google…
  • Parking robotisé avec Stanley Robotics testé à l’aéroport de Lyon

Focus sur Moovizy 2

Seule application aujourd’hui en France permettant de consulter, choisir, réserver et payer en une seule solution ses trajets.

5 modes de transports : transports en commun, vélos en libre-service (Vélivert), autopartage (Citiz), covoiturage (Mov’ici), taxis…
25 000 utilisateurs
Lancé en 2019 pour remplacer Moovizy (2016)

    De nouveaux acteurs s’ancrent dans le panorama des moyens de mobilité

    La micro-mobilité longtemps dominée par les vélos en libre-service a vu arriver de nouveaux acteurs sur le principe du free-floating avec des moyens divers : trottinette, vélo, scooter, le tout impulsé par l’innovation en matière de mobilité électrique.

    La moyenne mobilité a quant à elle été bouleversée par les VTC, et notamment Uber, s’attaquant aux historiques taxis sur un modèle revisité. Les véhicules en autopartage devraient également connaître une croissance de 20 % par an jusqu’en 2025 (12).

    La grande mobilité, outre l’essor du covoiturage, a également évolué. Les secteurs de l’aérien, du ferroviaire ou encore du transport routier de voyageurs se sont par exemple étoffés avec des offres low-costs.

    L’offre de mobilité s’est diversifiée à une vitesse fulgurante ces dernières années. On peut affirmer sans trop de risques que les modèles de demain amplifieront les tendances d’aujourd’hui : plus propres, partagées, multimodales, intelligentes, et davantage personnalisées.

    Le rôle des constructeurs dans les nouvelles mobilités est questionné

    Alors que la profitabilité de la construction automobile traditionnelle s’amoindrit et que de nouveaux entrants pénètrent le marché de la mobilité, le temps est venu pour les constructeurs de véhicules de repenser leur business model pour favoriser la profitabilité. 5 options de business model semblent opportunes :

    • Constructeur automobile traditionnel – Segment haut de gamme :

      Pour conserver leurs marges et leur rentabilité à terme, les constructeurs peuvent se concentrer sur les segments premium voire du luxe. Ce marché, certes de taille restreinte, offre cependant un potentiel de rentabilité important. La part du premium dans le total des immatriculations (12%) reste encore faible en France, bien moindre qu’en Allemagne ou qu’au Royaume-Uni.

    • Constructeur automobile B2B – Fournisseur des flottes de loueur/autopartage :

      Le marché de l’autopartage et les modèles de location se développant, le rôle des constructeurs peut s’axer sur la fourniture de véhicules davantage aux services de mobilité.

    • Opérateur de flottes automobiles :

      Dans un modèle dynamisé par la location, l’autopartage, les constructeurs ont une carte à jouer en intégrant l’aval de la chaîne de valeur à savoir la gestion de flottes. Leur connaissance et expérience des besoins clients en matière de mobilité représentera un avantage concurrentiel dans ce domaine.

    • Fournisseur de services de mobilité – Automobile : 

      En misant sur une approche davantage servicielle, les constructeurs peuvent proposer des services de mobilité autour de l’automobile (autopartage, covoiturage, VTC, etc.).

    • Fournisseur de services de mobilité de bout en bout – Mobility as a Service : 

      Au-delà de l’automobile, les constructeurs peuvent se positionner comme fournisseurs de services de mobilité, avec une unique plateforme de mobilité intégrant de multiples moyens de transports et services du point départ jusqu’au dernier kilomètre, de la location de voiture courte durée jusqu’à la réservation de stationnement.

      De constructeur à fournisseur de mobilité, le chemin est sinueux

      De plus en plus de constructeurs cherchent désormais à se positionner comme fournisseurs de services de mobilité, en proposant diverses solutions comme la location flexible ou encore des services de VTC : des activités ultra-concurrentielles où les marges restent finalement très faibles. Au nombre de leurs concurrents, les constructeurs se retrouvent aussi en face d’opérateurs de transport public, avec qui ils ont parfois choisi de coopérer.

      Les opérateurs publics de transport n’ont plus la capacité à développer des solutions de mobilité qui couvrent l’ensemble des besoins des usagers – en atteste la multiplication des solutions de micromobilité et de VTC. Dans ce contexte, suivre la cadence des pure players signifie repenser le rapport de force entre opérateurs de mobilités et ouvrir la voie à une collaboration renforcée, permettant de profiter des opportunités et des données offertes par le numérique. Les constructeurs pourraient ainsi jouer ce rôle de fournisseur de services de mobilité.

      Voici quelques facteurs clés de succès :

      1. L’échelle : Les plateformes de mobilité s’appuient sur des actifs clés pour définir une échelle d’exploitation et une proposition de valeur différenciante adaptée.

      2. Revisiter la chaîne de valeur : De nouveaux acteurs, aussi bien pure players que constructeurs ou acteurs traditionnels d’autres secteurs, détectent de nouvelles opportunités dans le secteur de la mobilité et semblent vouloir converger vers un modèle agrégeant les solutions de mobilité. Bien que les frontières entre les cœurs de métier s’estompent, les savoir-faire historiques d’un constructeur automobile restent bien éloignés de ceux des acteurs émergents de la mobilité mais restent cependant une force sur laquelle capitaliser : nouveaux usages comme les services connectés, l’utilisation des données et de capteurs; nouveaux business comme les véhicules électriques, autonomes, connectés, etc.

       

      3. Prendre en compte l’écosystème : Le manque d’intégration entre les différents modes de transport, privés et publics, est l’obstacle majeur auquel les utilisateurs sont confrontés. Cela génère des frictions pour les utilisateurs, un faible niveau de service et/ou d’adoption, ce qui crée alors des opportunités pour les nouveaux entrants. De ce fait, la chaîne de valeur autrefois contrôlée par les opérateurs historiques est désormais surchargée par de multiples acteurs.

      Le (re)positionnement des constructeurs automobiles en fournisseurs de mobilité restera donc un défi à poursuivre sur le long terme.

      Quelle sera la mobilité de demain ? Quelques mises en perspectives…

      QUELLE COEXISTENCE ?

      De multiples acteurs animeront la mobilité de demain qui tendra à être électrique, autonome et partagée.

      La prolifération et la multiplicité des solutions de mobilité posent tout de même la question de leur coexistence avec les solutions propres aux différents opérateurs de transport. Tous les transporteurs accepteront-ils de partager leurs données avec les opérateurs ? Quelles associations avec les supports billettiques existants ? Quel avenir pour les bus publics classiques avec conducteur qui sont non flexibles sur le parcours et les horaires lorsque d’autres solutions partagées permettent d’aller au point désiré à un horaire précis ? Quel rôle pour le réseau public qui sera à l’avenir concurrencé par les voitures autonomes partagées ? Quel rôle pour les constructeurs lorsque la possession d’un véhicule ne sera plus une priorité pour les urbains ? Autant de questions auxquelles on devra répondre ces prochaines années…

      Si le rôle de « technicien » de conducteur s’effacera, l’aspect de modérateur reste essentiel. La mobilité ne peut être déshumanisée : le besoin de régulation, d’animation, d’assistance reste nécessaire au bon fonctionnement de ces solutions.

      QUELS RISQUES ?

      Les nouvelles formes de mobilités, comme la voiture autonome, l’autopartage, la micromobilité en libre-service, amènent à repenser le rôle du conducteur. Dans le cas d’un véhicule autonome notamment, la responsabilité n’est plus portée par le conducteur, mais par le constructeur du logiciel. La probabilité d’avoir un accident est plus faible dans une voiture conduite par un Operating System que par un automobiliste. Une partie du parc automobile engendrait une diminution des risques, la majorité des accidents responsables serait ainsi causée par des conducteurs. La prime d’assurance des conducteurs, portant cette sinistralité, augmenterait. Sera-t-il alors encore rentable de rouler ? Pour les compagnies d’assurance dont le business model est basé sur les risques d’accident, le changement est donc à prévoir.

      Aussi, au sens large, l’enjeu de la sécurité des transports est partagé par tous les acteurs, au premier rang desquels les industriels, notamment les constructeurs automobiles. Cet enjeu de sécurité est considéré comme central dans les stratégies R&D du véhicule autonome, tout comme dans la communication autour de ces technologies, dans l’usage des données… Dès lors, les sujets éthiques concernent directement ces questions de sécurité.

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      QUELLE ECHELLE ?

      Si les solutions de mobilité sont testées généralement à l’échelle d’une ville, la forme la plus aboutie de la mobilité comme un service (MaaS) n’impliquerait-elle pas de le déployer à une plus grande échelle, nationale, voire internationale ? Effectivement, des projets sont en cours à plus grande échelle, une alliance européenne s’est notamment créée dans le but de construire une approche commune européenne. L’objectif principal est de faciliter un marché unique et ouvert et un déploiement complet des services MaaS.
      Définir un cadre légal est nécessaire : régulation des nouveaux acteurs de mobilité, coordination de l’offre de transports, gestion des données privées des usagers… Au niveau européen, un règlement 2017/1926 du 31 mai 2017 établit la mise en place d’un point d’accès national aux données de mobilité.

      QUEL IMPACT ENVIRONNEMNETAL ?

      La gestion intelligente du trafic permettra d’inciter les usagers de la route à utiliser tel ou tel moyen de transport et tel ou tel itinéraire. En plus de faciliter et d’améliorer l’expérience du voyageur, cela est également bénéfique pour l’environnement puisque la congestion, synonyme de pollution, peut être réduite en cas de meilleure gestion du trafic. Même si les solutions de micro-mobilité se multiplient et sont moins polluantes à l’usage, la production et la recharge des nouvelles solutions de micro-mobilité fait débat du fait de la pollution engendrée.
      Aussi, si une voiture reste immobilisée plus de 97% du temps, le partage de voitures n’implique pas forcément une réduction du trafic. Si certains abandonneront leur voiture au profit de solutions partagées, d’autres, non propriétaires de véhicule, pourraient multiplier leurs déplacements, du fait de la facilité d’accès à divers trajets. Ces effets sont à surveiller et à analyser de près.

      QUEL IMPACT SOCIAL ?

      Le risque d’exclusion social et digital est à prendre en compte.
      Les solutions de mobilité seront digitales. Or tout le monde ne dispose pas nécessairement d’un smartphone, d’un accès aux données mobiles, que cela soit par choix ou non. Cela peut conduire à l’isolement social de certains groupes de citoyens qui ne pourraient plus voyager et avoir un effet polarisant entre les connectés et ceux qui le sont moins.
      Aussi, la couverture géographique et la priorisation de l’accès à ces solutions entraîneraient des disparités territoriales. Le milieu rural sera-t-il un désert robot-mobile à l’instar des zones blanches pour la téléphonie mobile et internet aujourd’hui ?
      Quelles alternatives non digitales et/ou adaptées selon les territoires seront adressées pour couvrir tous les besoins de la population ?

      Pagamon est un cabinet de conseil en stratégie et transformation fondé en 2013. Nous accompagnons dans leur recherche d’équilibre les principaux acteurs des secteurs de l’industrie, des services et des sciences de la vie. En les aidant à structurer leur vision stratégique, à transformer leur modèle opérationnel et/ou digital, et à piloter le changement. Afin de soutenir une croissance rentable, durable et responsable. Acteur engagé, Pagamon anime l’Observatoire de l’Entreprise Équilibrée™, articulé autour d’un “think tank” et d’une enquête annuelle. Afin d’apporter un éclairage innovant, parfois décalé, sur l’accompagnement stratégique des transformations pour soutenir la croissance des entreprises.