Points de vue | Perspectives

L'impact de la numérisation des processus sur les missions RH

Des missions RH impactées par la numérisation tout au long du parcours employé.

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Introduction

Une partie des missions RH a longtemps été fortement corrélée à des tâches administratives consommatrices en temps, pour une valeur ajoutée trop souvent limitée. Au-delà des enjeux de productivité administrative, la fonction RH a dû se transformer pour répondre à des exigences de plus en plus fortes des salariés et leur souhait grandissant d’être mieux considérés, accompagnés et valorisés par leur entreprise. Avec l’avènement du numérique, provoquant des virages sociétaux et technologiques, les métiers RH se sont structurellement transformés.

Face à ces mutations des attentes tant des collaborateurs que des candidats, et afin de mieux y répondre, il convient de replacer les missions RH dans une dimension personnalisée et relationnelle plus qu’administrative ou opérationnelle. Les fonctions RH, tout en conservant leur rôle de gestion administrative et sociale, ont dû intégrer une nouvelle dimension de « business partner » au service des métiers et activités. Tout en garantissant le correct alignement de la marque employeur avec la réalité de la gestion des collaborateurs au quotidien. L’automatisation du volet administratif a ainsi permis de réduire le temps alloué aux tâches redondantes (création de « job requisition », mise à jour de rapports…) et de créer plus de bande passante pour des tâches à plus forte valeur ajoutée. Tant sur le plan de l’acquisition des talents (planification du recrutement, sourcing, recrutement opérationnel) que sur le plan de la gestion des collaborateurs (gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, développement de l’employabilité, suivi et accompagnement des équipes…).

A chacune de ces étapes, nombreux sont les outils permettant de répondre aux enjeux de performance, parmi les ATS doté d’un AI, le SIRH, le chatbot pour répondre soit sur les jobboards ou depuis le SIRH aux questions respectivement des candidats ou collaborateurs, l’éventuel outil CRM pour le suivi des contacts en vivier (en cas de gros volumes de traitement, par ex. : saisonniers, intérimaires…), un outil de business intelligence et de big data

Gestion des candidats et recrutement

Nombreux sont les outils au service des recruteurs qui transforment structurellement leur métier, permettant d’automatiser un certain nombre d’actions et d’optimiser la sélection des candidats.

Automatisation des mails (pour les nouveaux candidats ou ceux non retenus), accusé de réception des candidatures (avec le bon ton et semi-personnalisé pour chaque candidat), vision complète et globale de l’en-cours, suivi des candidatures, prise de rendez-vous avec les candidats, actions automatisées selon un scénario défini, templates de messages, statistiques et analyse de la performance : autant d’actions automatisables rendues possibles par le digital.

Algorithmes de recherche et de sélection des candidats pour affiner leur profilage, intelligence artificielle, applications mobiles de matching, logiciel de vidéo-entretien asynchrones, chatbots, campagnes virtuelles de recrutement : autant de supports et d’outils pour les recruteurs. Avec, au cœur de leurs enjeux, la gestion des CVthèques depuis un ATS doté d’une IA pour trier les CV, la recherche de la meilleure pertinence des candidatures…

Dans le domaine du recrutement, l’exploitation du big data et le développement de l’intelligence artificielle permettent d’apporter de nouveaux filtres de profilage des candidats à travers le traitement et le croisement des données disponibles sur la toile et dans les différentes bases de données (réseaux sociaux, réseaux professionnels, banques de CV, jobboards…) jusqu’à la géolocalisation et l’analyse des routines de navigation. Un vivier pertinent de candidats, actualisé en permanence est alors constitué et les annonces d’emploi ciblées en push, géolocalisées, au bon candidat.

Un premier tri automatique des candidats permet de réduire les biais inconscients et la discrimination en se focalisant sur les compétences du candidat. Plusieurs méthodes de tri de CV simplifient la tâche des recruteurs : scoring, ranking, parsing, matching… Elles se basent sur un algorithme qui, en fonction de critères définis, gère une première partie de candidatures. Le matching CV suit le parsing, ce sont des opérations complémentaires.

A terme, il est envisageable que l’intelligence artificielle permette également de prédire la réussite d’un candidat à son futur poste, mais aussi l’évolution d’un candidat à un autre poste.

L’exploitation du big data et le développement de l’IA constituent des progrès majeurs au sein des services RH, mais restent toutefois en phase embryonnaire et comportent également des limites importantes. Si on aborde la numérisation des tâches sous l’angle de la productivité, du rendement et de la performance, l’ouverture des possibilités est indéniable mais le recrutement reste une démarche humaine impliquant nécessairement des interactions humaines. La digitalisation et l’automatisation permettent, certes, un gain d’efficacité et de temps pour les recruteurs, mais ne doivent pas aller à l’encontre de l’expérience relationnelle. Les algorithmes sont encore loin de pouvoir se substituer à l’humain, notamment dans la recherche de profils très qualifiés. Le degré d’automatisation et le recours aux outils différeront selon le type de poste à pouvoir. Les soft skills et le ressenti sont difficilement programmables et prédictibles, rendant absolument crucial une intervention humaine majeure pour les postes clés. En revanche, la recherche relativement standardisée de profils peu qualifiés peut être automatisée plus facilement sans pour autant supprimer totalement l’intervention humaine. Aussi, par exemple, l’usage des outils d’analyse vidéo est freiné par la qualité de l’image qui peut varier d’un ordinateur à un autre et donc biaiser les résultats d’analyse des réactions. De plus, du point de vue candidat, certains formats vidéo sans interlocuteurs peuvent en dérouter plus d’un : nombreux sont les candidats qui possiblement arrêteront le processus avant même d’avoir eu un contact humain. Evidemment, le contact humain, la dimension relationnelle restent primordiaux pour répondre aux interrogations des candidats et leur permettre de se projeter sur un poste et dans une entreprise.

Gestion de carrière et suivi du vivier

Dans cette logique relationnelle, une fois les profils recrutés, intégrés à la vie de l’entreprise et en poste, les métiers de gestionnaire des ressources humaines devraient donc tendre plus vers des rôles de coaching et de véritable partenaire – tant des collaborateurs que des activités. Connaitre personnellement son vivier de talents, développer les compétences de celui-ci et le faire évoluer… : l’humain revient au cœur des missions du gestionnaire de ressources humaines et le HRBP se rapproche de sa vocation première. Pour ce faire, un suivi personnalisé et individualisé est nécessaire.

Il n’y a plus un seul parcours « basique » d’ascension managériale, mais des parcours à la carte. L’ambition des plus jeunes ne sera pas nécessairement d’évoluer vers des postes managériaux mais d’évoluer horizontalement, profiter de passerelles, de ponts vers d’autres métiers et maximiser leur expertise. Afin d’établir ce suivi personnalisé et individualisé, la fonction RH sera nécessairement outillée numériquement : outils prédictifs, suivi de KPIs pertinents, reporting. Ces indicateurs et alertes digitales permettront de pousser l’offre parfaite, la formation, la bonne opportunité au bon moment et ce au bon employé. Il ne s’agit plus pour la fonction RH d’attendre d’être sollicitée ou de répondre aux sollicitations des employés mais d’anticiper leurs demandes.

Grâce aux outils numériques, les RH gagnent en visibilité de la masse salariale et anticipent les risques, les besoins futurs (formation, recrutement, mobilité) et réajustent les objectifs de leurs collaborateurs pour répondre rapidement aux opportunités du marché. Les RH peuvent notamment s’appuyer sur la prédiction de données, en se basant sur les données historiques et existantes, à partir d’un outil de scoring permettant d’identifier la population à risque (selon la difficulté des projets d’embauche d’une filière, le turnover possible basé sur l’existant, l’âge, la séniorité…), notamment chez les saisonniers et les populations nécessitant attention particulière et suivi plus régulier. Les éléments à communiquer et la fréquence de communication pourront être personnalisés et plus pertinents.

Afin de mieux communiquer et d’établir une relation personnalisée, les techniques de CRM et leurs bonnes pratiques sont évidemment applicables aux salariés. La vision 360° des collaborateurs, rendue possible par cette approche CRM, permet aux équipes RH de mieux les comprendre, de les accompagner dans leur carrière mais aussi d’anticiper leurs besoins. Il s’agit bien de connaître les salariés en utilisant les mêmes outils que ceux utilisés auprès des clients afin d’être plus efficace dans son travail et plus pertinent dans les échanges avec les collaborateurs : suivi de la performance à partir d’indicateurs, identification des leviers, historique des contacts pour un accompagnement plus pertinent et un maintien de l’implication des employés…

L’enjeu est de créer et maintenir du collectif et de l’attachement lorsqu’être salarié n’est plus la norme aujourd’hui et que les modes de travail sont en pleine mutation. Plus précisément, il s’agit de construire un collectif de travail à partir d’individus éclatés qui se considèrent parfois – voire souvent – comme leur propre employeur. Echanges réguliers et transparents, « feedback » dans les deux sens, vision à 360°… autant d’éléments nécessaires pour créer ce collectif et rendus possibles par la digitalisation et l’automatisation des tâches à faible valeur ajoutée et en conséquence un meilleur suivi individuel du salarié et le développement de son potentiel. La digitalisation et l’outil permettent effectivement de faire évoluer le sens du rôle des RH et de les positionner comme un véritable partenaire.

Le changement de vision de l’entreprise implique une révision des parcours et des postes visant à faire évoluer le collaborateur pour qu’il continue à affûter son expertise dans le temps. Le rôle de la fonction RH dans ce domaine est manifeste : embaucher des talents formés aux nouvelles technologies, former les collaborateurs collectivement et en fonction de leurs besoins individuels, les accompagner dans le développement de nouvelles compétences et dans une transition d’activité, en particulier sur les métiers en déclin et les métiers hybrides. Son rôle sera donc davantage orienté vers la contribution à la stratégie globale de l’entreprise, vers un rôle de partenaire d’affaires et vers le développement RH lié à l’attractivité et à la rétention des talents. Nécessairement, l’appui technologique implique de nouvelles compétences RH et requiert des profils plus analytiques et plus techniques, à l’aise avec l’usage des reporting, l’analyse de données…

Autres missions : administratif, juridique, formation…

L’usage des technologies, comme les outils conversationnels – favorisant le « self-care », une plus grande autonomie des utilisateurs dans la recherche d’informations et de solutions – s’est fortement développé ces dernières années. Ces chatbots appliqués au domaine RH favorisent la collecte d’information, répondent aux questions, plus ou moins pertinemment selon les technologies utilisées (arbre de décision, Natural Language Processing basé sur l’IA…), planifient différentes échéances et assurent le suivi complet des candidats, y compris ceux qui ne seront pas retenus. Sur d’autres champs d’applications, l’IA apporte davantage de pertinence au matching, notamment au niveau des soft skills. Nombre d’initiatives ont été lancées récemment, à l’image des entretiens vidéo gérés par des robots ou de l’analyse des muscles vocaux et faciaux.

La blockchain doit permettre de garantir la validité des transactions de façon certaine et décentralisée. Elle pourrait ainsi trouver plusieurs applications en matière de recrutement :

– l’authentification des compétences grâce à un système de validation fiable distribué auprès des établissements de formation, des entreprises… ;

– une meilleure transparence pour le candidat par la mise à disposition de données de l’entreprise validées par la blockchain, cette dernière pouvant en contrepartie renforcer sa marque employeur et l’inbound recruiting ;

– une désintermédiation supplémentaire du processus de recrutement en facilitant l’accès des opérationnels aux informations sur les candidats et la vérification des antécédents sans solliciter d’autres acteurs (départements juridiques, agences de recrutement…)

CONCLUSION

La crise sanitaire n’a fait qu’accélérer l’incontournable digitalisation des processus RH, notamment ceux liés au recrutement, à la gestion des talents et au développement de nouveaux modes, espaces et solutions de travail. Progressivement, les RH se délesteront des tâches administratives qui seront automatisées en majeure partie, pour s’orienter vers un rôle de partenaire, replaçant la dimension relationnelle au cœur de leurs missions, basé sur de l’analytique : anticipation des besoins pour mieux orienter, accompagnement et formations adaptées et personnalisées, échanges réguliers, parcours à la carte, communication engageante… Le contact humain étant primordial dans le recrutement, ce volet restera aux mains des RH, qui nécessairement auront un rôle à jouer pour faire rayonner la marque employeur et incarner les valeurs de l’entreprise.

Egalement, la digitalisation des processus, tout en simplifiant la gestion administrative, permet(tra) de dégager du temps afin de s’investir plus finement dans la compréhension des enjeux « business » de l’entreprise – et d’adapter le rôle des RH aux évolutions économiques, sociales et sociétales de l’écosystème de chaque organisation.

D’autres bouleversements technologiques sont à venir, comme le passage au web3 : quid de l’application du métaverse aux missions RH lorsque l’e-commerce et l’e-marketing seront déjà utilisés par les marques pour engager et faire convertir les consommateurs ? Une fois que les entreprises auront un pied dans le métaverse, quelles briques RH seront construites, notamment sur le recrutement ? Quelle sera place de l’humain et du physique dans ces missions ?  S’il ne s’agit que de la gamification de recrutement, quelle sera alors la valeur ajoutée du métaverse par rapport à un recrutement classique ? Nombreux sont les écueils à anticiper, pour viser un recrutement inclusif et fiable (fracture digitale au sein des candidats, fiabilité de l’avatar, place de l’humain…).

Pagamon est un cabinet de conseil en stratégie et transformation fondé en 2013. Nous accompagnons dans leur recherche d’équilibre les principaux acteurs des secteurs de l’industrie, des services et des sciences de la vie. En les aidant à structurer leur vision stratégique, à transformer leur modèle opérationnel et/ou digital, et à piloter le changement. Afin de soutenir une croissance rentable, durable et responsable. Acteur engagé, Pagamon anime l’Observatoire de l’Entreprise Équilibrée™, articulé autour d’un “think tank” et d’une enquête annuelle. Afin d’apporter un éclairage innovant, parfois décalé, sur l’accompagnement stratégique des transformations pour soutenir la croissance des entreprises.