Points de vue | Perspectives
Les machines ORC : une technologie mature et économique pour l'efficacité énergétiqueFocus sur les applications pour les centrales éléctriques à moteur à gaz ou diesel
Selon l’Agence internationale de l’Énergie, l’efficacité énergétique représente le principal levier de réduction des émissions actuelles de CO2, avec 44% du potentiel total
Cette analyse s’intéresse à l’une de ces solutions d’efficacité énergétique : les machines à Cycle Organique de Rankine (abrégé ORC en anglais). Installées sur des centrales thermiques ou des usines de production, elles sont alimentées par une énergie « gratuite » – la chaleur fatale des procédés – et produisent une électricité compétitive et décarbonée.
L’analyse expose le potentiel de cette technologie pour les centrales électriques à moteur diesel ou à gaz, en termes à la fois économique et environnemental, ainsi que les moyens à disposition des exploitants pour financer des investissements pouvant être considérés comme importants.
La technologie ORC permet de valoriser la chaleur fatale des centrales à moteur, une application insuffisamment exploitée
La technologie ORC est aujourd’hui mature : les premiers développements remontent au XIXème siècle et des milliers de machines sont installées dans le monde à ce jour. Afin de générer de l’énergie mécanique ou électrique, un cycle ORC fonctionne entre une source chaude (la chaleur à valoriser) sur une plage de température comprise entre 120°C et 350°C et une source froide (refroidissements à l’air ambiant ou à l’eau). Plus la différence de température entre la source chaude et la source froide est importante, meilleur est le rendement de l’installation.
Les machines ORC de moyenne à grande taille représentent la technologie la plus prometteuse pour valoriser la chaleur dont la température est supérieure à 150°C. Cela permet par exemple d’améliorer l’efficacité énergétique des turbines à combustion industrielles, des moteurs à combustion interne et de procédés industriels.
Les centrales à moteur diesel, très émettrices de CO2, sont souvent indispensables pour la production d’électricité
Centrales de production de base
Les centrales de production de base se situent dans des zones non interconnectées aux grands réseaux électriques continentaux (par ex. îles éloignées des côtes) ou celles hébergeant des industries très consommatrices d’électricité (par ex. mines) ou encore celles dont la consommation électrique croît très rapidement (Afrique, Amérique du Sud, Asie du Sud-Est mais aussi États-Unis ; en effet ces centrales peuvent être mises en service et produire en peu de temps).
Centrales de pointe
Les centrales de pointe permettent un complément de la production d’électricité intermittente (solaire, éolien) ou d’une production peu modulable. Ceci assure une certaine fiabilité de fourniture, grâce notamment à un temps de démarrage très court (pleine charge atteinte en quelques minutes).
Les centrales à moteur restent très émettrices de CO2 et seront à moyen terme difficilement remplaçables
la capacité installée des centrales à moteur, soit l’équivalent de 25 réacteurs nucléaires de puissance moyenne (900 MW), distribués sur plusieurs milliers de centrales à moteur dont la capacité varie de quelques centaines de kW à plus de 500 MW.
Tonnes
d’émissions de CO2 par an soit l’équivalent des émissions totales du Portugal en 2019.
Le parc mondial de centrales à moteur candidates à l’installation d’ORC peut être estimé à environ 130 unités pour une capacité totale installée de 9 GW
Il faut souligner que le nombre d’ORC déjà installés sur ce type d’unités est actuellement très faible au regard de ce potentiel.
Au titre des rares exemples, 3 centrales à moteur (capacité totale ~90 MW) sont équipées d’ORC Turboden en Italie et en Turquie.
L’installation d’ORC sur les centrales thermiques à moteurs permet de réduire les émissions de CO2
En considérant les émissions directes et indirectes sur l’ensemble de leur cycle de vie (construction, extraction, approvisionnement du combustible…), les centrales à fioul ou à gaz sont particulièrement émettrices de CO2 et de polluants. La valorisation de la chaleur fatale de ces centrales par l’installation d’ORC permet de générer un supplément d’électricité, autrement dit de réduire la quantité de combustible nécessaire pour produire la même quantité d’électricité. Ce gain d’efficacité énergétique réduit les émissions de CO2 et de polluants pour chaque kWh produit.
L’installation d’un ORC sur une centrale à moteur demande un investissement conséquent, mais procure des économies de combustibles et de quota carbones annuels permettant d’obtenir un temps de retour sur investissement variant entre 3 et 8 ans selon les configurations. La réduction des émissions de CO2 s’établit alors entre 5% et 9% grâce à l’installation d’un ORC.
La transition vers des combustibles moins polluants et la hausse des quotas carbone rendront les solutions ORC plus attractives
l’impact du passage au combustible Fioul TBTS sur le temps de retour sur investissement.
l’impact du passage au biocombustible sur le temps de retour sur investissement.
l’impact de l’augmentation du prix du quota carbone à 100 € / t sur le temps de retour sur investissement.
l’impact de l’augmentation du prix du quota carbone à 300 € / t sur le temps de retour sur investissement.
Le modèle ESCO tiers-financé pour l’installation et l’exploitation de machines ORC représente une solution attractive pour les exploitants et les investisseurs
Les ESCO (Energy Services COmpany) sont des sociétés de services énergétiques qui offrent aux clients la possibilité de financer leurs travaux et leurs réalisations d’efficacité énergétique dans de nombreuses applications avec des contrats adaptés à chaque situation.
Les ESCO offrent aux exploitants une méthode efficace, flexible et rentable pour améliorer leur performance énergétique, en s’appuyant sur des spécialistes de l’énergie et des tiers-financements responsables. Pour chaque installation de solution d’efficacité énergétique, l’ESCO initie une Société de projet.
Avec l’installation d’un ORC sur une centrale à moteur, l’ESCO et la Société de projet remboursent les investisseurs grâce à la vente d’électricité à l’exploitant à un prix attractif d’environ 80-90 €/MWhe, c’est-à-dire moins de la moitié du coût de production de l’électricité par la centrale elle-même. Les économies d’énergie réalisées par l’exploitant lui permettent par exemple d’assurer à moindre coût l’autoconsommation électrique de la centrale.
En France, les ESCO et Sociétés de projet peuvent obtenir des subventions importantes rendant l’investissement encore plus attractif. Dans le cas des zones non interconnectées françaises, le marché de l’électricité en tant qu’utilité régulée implique une adaptation du financement de l’efficacité énergétique. Les solutions d’efficacité énergétique en ZNI représentent en effet un levier complémentaire de réduction du coût supporté par le consommateur et/ou le contribuable. Le soutien à l’installation d’ORC dans les centrales à moteur serait un signal fort pour la réduction de l’empreinte carbone tout en maintenant un coût de production compétitif.
Comparatif des coûts de production dans les ZNI
PAR MWh
ORC (pilotable)
PAR MWh
Eolien (intermittent)
PAR MWh
Solaire (intermittent)
Le déploiement par les pouvoirs publics d’une relance industrielle verte serait une opportunité pour accélérer l’installation d’ORC au service de l’efficacité énergétique
La loi de transition énergétique de 2015 pour la croissance verte a généré des incitations publiques qui ont favorisé les investissements dans l’éolien et le solaire. Des mécanismes similaires pourraient être déployés afin de favoriser l’investissement industriel dans l’efficacité énergétique. Les subventions et aides publiques via des appels à projet – tels que IndusEE de l’ADEME – sont à encourager pour soutenir l’attractivité du marché de l’efficacité énergétique. Le soutien d’une filière industrielle d’efficacité énergétique serait largement renforcé via des engagements de commandes sur le long terme. Certaines technologies font aujourd’hui l’objet d’un savoir-faire français reconnu et possèdent un potentiel de développement important – y compris à l’export. Elles méritent d’être soutenues. En accentuant leurs collaborations avec le tissu national de PME innovantes, les grands acteurs français de l’énergie auront évidemment un rôle clé à jouer dans le développement de cette filière.
En outre, peu consommatrices en béton ou en terres rares, les technologies ORC paraissent apporter une contribution tant à l’enjeu de l’efficacité énergétique qu’à celui de la réindustrialisation du territoire.
Les contributeurs à la réalisation de l’étude
Pagamon est un cabinet de conseil en stratégie et transformation fondé en 2013. Nous accompagnons dans leur recherche d’équilibre les principaux acteurs des secteurs de l’industrie, des services et des sciences de la vie. En les aidant à structurer leur vision stratégique, à transformer leur modèle opérationnel et/ou digital, et à piloter le changement. Afin de soutenir une croissance rentable, durable et responsable. Acteur engagé, Pagamon anime l’Observatoire de l’Entreprise Équilibrée™, articulé autour d’un “think tank” et d’une enquête annuelle. Afin d’apporter un éclairage innovant, parfois décalé, sur l’accompagnement stratégique des transformations pour soutenir la croissance des entreprises.