Points de vue | Perspectives

LES NOUVELLES RÉGLEMENTATIONS ET NORMES D’ÉMISSIONS INFLUENCENT LA STRATÉGIE DES CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES
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Depuis 2017, l’industrie automobile doit faire face à de nouveaux défis pour répondre aux contraintes environnementales actuelles. Changement de procédures d’homologation, renforcement de la réglementation CAFE et incitation au développement de véhicules électriques sont autant de facteurs qui influencent aujourd’hui la stratégie à court, moyen et long terme des constructeurs automobiles et qui les obligent à s’adapter rapidement à une nouvelle manière de concevoir la mobilité.

« Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedures » et standards d’émissions CO2

Mis en place en 1992, Le « Nouveau Cycle Européen de Conduite » ou NEDC (New European Driving Cycle) a été pendant près de 30 ans le cycle de référence pour mesurer la consommation de carburants et les émissions polluantes dans le cadre des homologations de véhicules en Europe. Cependant, il a été rapidement mis en évidence que le cycle NEDC, basé sur des tests trop théoriques, ne permettait pas d’établir des données conformes à la consommation réelle. Trop faibles accélérations, absence de prise en compte des équipements de la voiture, rapports de vitesses rapidement stabilisés etc. sont ainsi les facteurs qui ont menés à la redéfinition des processus de mesures d’émissions pour déboucher en 2017 sur la mise en place du nouveau cycle WLTP.

Déjà plus fiable et plus conforme à la réalité que le cycle NEDC, le cycle WLTP est par ailleurs complété par un second test : le RDE (Real Driving Emissions). 

Pour procéder au test RDE, une voiture est conduite sur la voie publique et dans des conditions météorologiques et de trafic très divers. Un équipement est installé sur le véhicule et recueille les données pour vérifier que les plafonds législatifs pour les polluants tels que les NOx (oxyde d’azote) ne sont pas dépassés.

Depuis 2018, les constructeurs sont dans l’obligation d’utiliser ce nouveau processus d’homologation. Cependant, les pays européens ont encore le droit d’utiliser les valeurs NEDC pour leur communication et leur taxation et doivent ainsi convertir les nouvelles données WLTP pour obtenir une valeur « NEDC Back Translated ». Fin 2020, ce sont ces mêmes valeurs exprimées en NEDC BT qui serviront au calcul des pénalités liées à la réglementation CAFE qui se renforce d’année en année.

WLTP VS. NEDC : LES PRINCIPALES EVOLUTIONS

  • Passage de 1 cycle de test à plusieurs cycles dynamiques
  • Comportements de conduites plus réalistes (arrêts, changements de vitesse) et utilisation de diverses situations de conduite (ville, autoroute, campagne etc.)
  • Distances rallongées de 11 à 23km
  • Vitesse moyenne passant de 34km/h à 46,5km/h et une vitesse maximum atteignant 131 km/h avec le cycle WLTP contre 120km/h avec le cycle NEDC
  • Prise en compte des équipements additionnels dans le cycle WLTP comme les barres de toit, les pare-brises chauffants etc.

La réglementation CAFE

La réglementation CAFE (Corporate Average Fuel Economy) permet la mesure de la moyenne des émissions de CO2 des immatriculations ou des productions (selon le pays) au cours d’une année civile. Selon la zone d’application, des seuils réglementaires sont définis et en cas de dépassement, les constructeurs s’exposent à des sanctions.

Auparavant fixée à 130g de CO2 par kilomètre en Europe, la limite d’émission est passée au 1er janvier 2020 à 95g de CO2 par kilomètre (ajustable selon la masse du véhicule) pour les véhicules privés et 147g/kilomètre pour les véhicules utilitaires. En cas de non-respect de cette limite d’émission, les constructeurs devront payer des pénalités de 95 euros par gramme supplémentaire par véhicule vendu, soit un montant qui peut rapidement devenir assez conséquent.

La redéfinition des protocoles d’homologation et le passage à WLTP sont donc défavorables aux constructeurs dans le calcul de leurs émissions. En effet, le protocole WLTP étant, comme développé ci-dessus, beaucoup plus proche de la réalité que l’ancien protocole de test NEDC, les valeurs d’émissions ont vu leurs niveaux augmenter. Si en 2020, ce seront les valeurs NEDC BT qui seront utilisées, en 2021, celles de WLTP, encore moins clémentes, seront les valeurs de références.

Afin d’aider les constructeurs à faire face à ces nouvelles réglementations en faveur de l’environnement, l’Union Européenne a mis en place dans le cadre de l’objectif CAFE un certain nombre de bonus/incitations afin d’aider les entreprises dans leurs efforts d’optimisation et de développement de véhicules moins polluants :

  • Le bonus « Eco-Innovation » : les constructeurs qui développent de nouvelles technologies destinées à diminuer leurs émissions de CO2 se verront accorder des crédits d’émissions pouvant aller jusqu’à 7g de CO2 par kilomètre.
  • Le bonus « Phase-In » : En 2020, le temps que les constructeurs adaptent leurs offres aux nouvelles réglementations, les 5% des immatriculations avec le plus haut niveau de CO2 seront éliminées des calculs.
  • Le bonus « Super Crédits » : les véhicules avec des émissions inférieures à 50g/kilomètre permettent l’obtention d’un bonus multiplicateur (un véhicule émettant moins de 50g comptera pour 1,3 véhicules dans le calcul final). Cette incitation pousse les constructeurs à se développer dans les véhicules hybrides ou électriques.

Il devient alors de plus en plus crucial de développer les gammes hybrides et électriques, et ce d’autant plus qu’en 2020, la norme Euro6DFull a revu à la baisse les limites d’émissions de particules fines, ce qui impacte fortement les futurs véhicules à moteurs thermiques.

La norme Euro6

Les normes Euro Standards sont des normes de la Commission Européenne qui définissent les émissions polluantes (oxyde d’azote, monoxyde de carbone, hydrocarbone, particules fines) leurs moyens de mesure, leurs limites d’émissions etc. Le CO2 n’est pas inclus dans ces normes car ce n’est pas un gaz polluant mais un gaz à effet de serre qui contribue au réchauffement climatique.

Entrée en application en 2014, la norme Euro 6 est la continuation d’une série de normes « Euro » instaurées en 1990. Elle a contenu plusieurs volets et évolutions depuis : Euro6b, Euro6c etc. Pour atteindre les objectifs d’émissions imposés par ces normes, les constructeurs n’ont d’autres choix que d’intégrer de nouvelles caractéristiques techniques aux véhicules comme des filtres à particules qui augmentent leurs coûts de fabrication.

 

Normes Textes de référence (directives) Date de mise en application (tous types) NOx (g/kWh) CO (g/kWh) HC (g/kWh) Particules (g/kWh)
Euro 0  88/77 01-10-1990 14,4 11,2 2,4
Euro I  91/542 (A) 01-10-1993 9 4,9 1,23 0,36
Euro II  91/542 (B) 01-10-1996 7 4 1,1 0,15
Euro III  1999/96 01-10-2001 5 2,1 0,66 0,13
Euro IV  1999/96 01-10-2006 3,5 1,5 0,46 0,02
Euro V  1999/96 01-10-2009 2 1,5 0,46 0,02
Euro VI Règlement (CE) n°595/2009  31-12-2013  0,4 1,5 0,13 0,01

 Source : Site internet du ministère de la Transition écologique et solidaire

La réaction des constructeurs face au durcissement des normes

1. LES COUTS DE PRODUCTION

Afin de pouvoir se plier aux nouvelles exigences d’émissions, les constructeurs doivent ajouter à leurs moteurs certains dispositifs comme des filtres à particules qui contribuent à une augmentation significative des coûts de production. Pour cette raison, ils doivent réussir à baisser leurs coûts afin d’absorber cette hausse au maximum et faire en sorte que cela n’impacte ni la marge, ni le prix de vente des véhicules pour le client final.

 

2. LE DEVELOPPEMENT DE L’HYBRIDE ET DE L’ELECTRIQUE

Les diverses normes limitant les rejets de CO2 et autres particules fines, les constructeurs se tournent de plus en plus vers les véhicules hybrides et électriques, exemptés de pénalités mais essayent également de profiter des nombreuses incitations et bonus CAFE liés au développement de ces véhicules. L’hybride et l’électrique révolutionnent aujourd’hui le marché et tous les constructeurs ne sont pas au même point d’avancement dans le développement de leurs gammes. Pour cette raison, on observe récemment une accélération notable du développement de l’offre électrique et des investissements pour travailler la compétitivité des modèles qui sera vite essentielle : pas moins de 50 modèles sont attendus entre 2020-2022.

3. L’OPTIMISATION DES GAMMES EXISTANTES

Comme les tests WLTP prennent en compte les équipements additionnels, cela devient également un levier et un moyen d’action pour les constructeurs afin de limiter leurs émissions et leurs pénalités.
On assiste en effet à une redéfinition/optimisation des gammes en termes d’options et d’accessoires. Les roues de secours par exemple, qui ajoutent du poids à la voiture et contribuent à une augmentation de la consommation de carburant, sont remplacées par des kits anti-crevaisons qui permettent d’économiser des grammes de CO2.
Certaines options comme des jantes plus lourdes ou encore des barres de toit qui modifient l’aérodynamisme et augmentent également la consommation sont éliminées ou voient leurs prix augmenter pour essayer de désinciter les clients à l’achat. L’optimisation des gammes se note aussi par le développement d’accessoires que l’on peut ajouter en après-vente comme c’est le cas pour les barres de toit universelles disponibles dans de nombreux points de vente et compatibles avec beaucoup de modèles.

Ainsi, les nouvelles normes CO2 impactent directement les stratégies des constructeurs, que ce soit au niveau des coûts de production, de leur stratégie marketing, de la construction des gammes ou plus directement les montants investis en R&D afin de développer les voitures électriques et hybrides.
Ces différentes réglementations redéfinissent donc les enjeux du secteur de l’automobile et rebattent les cartes aux côtés de sujets tout aussi cruciaux comme ceux de la voiture autonome ou des problématiques d’autopartage.

Pagamon est un cabinet de conseil en stratégie et transformation fondé en 2013. Nous accompagnons dans leur recherche d’équilibre les principaux acteurs des secteurs de l’industrie, des services et des sciences de la vie. En les aidant à structurer leur vision stratégique, à transformer leur modèle opérationnel et/ou digital, et à piloter le changement. Afin de soutenir une croissance rentable, durable et responsable. Acteur engagé, Pagamon anime l’Observatoire de l’Entreprise Équilibrée™, articulé autour d’un “think tank” et d’une enquête annuelle. Afin d’apporter un éclairage innovant, parfois décalé, sur l’accompagnement stratégique des transformations pour soutenir la croissance des entreprises.