Points de vue | Perspectives

RÉDUIRE LES TEMPS DE CYCLE AU SEIN DE PROCESSUS INDUSTRIELS INSTABLES

Une implication concertée en amont, à combiner à la démarche classique.

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Aujourd’hui, la démarche Lean est utilisée dans la plupart des secteurs industriels et de plus en plus lors des phases de développement produit. Pourtant, les deux premiers principes Lean que sont la caractérisation et l’identification de la Valeur Ajoutée sont souvent négligés lors de l’implémentation du Lean.

En effet, la réduction des temps de cycle (souvent traduit par Lead-Time) passe obligatoirement par une connaissance approfondie de la Valeur Ajoutée et, par symétrie, des pertes. Une étude menée dans le secteur aéronautique montre que tout processus de développement dont la chaîne de valeur n’a pas été analysée ne peut espérer une Valeur Ajoutée supérieure à 7% du temps de cycle. Au contraire, la Valeur Ajoutée des entreprises mondiales les plus performantes dépasse 60% du temps de cycle.

Cependant, l’analyse de la chaîne de valeur et, à plus forte raison, sa transformation se révèlent particulièrement complexes pour un processus industriel instable, où le séquençage des tâches n’est pas primordial et les tâches à effectuer pas nécessairement connues à l’avance. C’est le cas de tout processus contenant, ne serait-ce qu’en partie, des activités de déverminage. Citons, par exemple, les activités d’essais et de commissioning dans les secteurs aéronautique ou ferroviaire.

Il est donc nécessaire, en plus de la démarche Lean classique qui vise à réduire les pertes de processus pur (surproduction, stock, attente…), de développer une méthodologie adaptée à ces
processus industriels instables, proche de l’apprentissage de la gestion de crise et des modes dégradés et nous avons acquis la conviction que cela passe par un certain nombre d’actions en amont, concertées avec l’ensemble des acteurs en interface avec l’activité en question.

Caractérisation et identification de la Valeur Ajoutée

Ainsi, la caractérisation de la Valeur Ajoutée est la première étape essentielle du déploiement de la démarche Lean. Outre le fait qu’elle doit être discutée et partagée par le client car répondant par définition à ses besoins, il est également nécessaire de bien dissocier :

  • la non Valeur Ajoutée,
  • les pertes pures (wastes).

La non Valeur Ajoutée se différencie des pertes par le fait que, sans apporter de plus-value au produit d’un point de vue client, elle est inhérente à l’activité considérée et ne peut être évitée en l’état actuel des technologies et des méthodes employées. Dans le cas d’un processus industriel instable, la proportion de non Valeur Ajoutée (telles que les activités de déverminage) dans le processus peut-être importante mais, pour un gain de temps rapide, il est préférable de se concentrer en priorité sur les pertes pures, d’où l’intérêt de bien les identifier.

A la différence d’un processus de fabrication classique, les processus industriels instables se caractérisent par l’absence de séquençage des tâches et une part importante d’inconnue dans celles-ci. La cartographie classique du processus existant (de type Value Stream Mapping) en vue d’identifier les zones de perte maximale puis de cartographier l’état-cible se révèle donc la plupart du temps trop complexe, voire inopérante car ne prenant pas en compte le caractère aléatoire du processus. De plus, les pertes sur ce type d’activités sont souvent réparties de manière homogène tout au long du processus. Dans ce cas, nous préférons utiliser l’analyse des points bloquants comme
méthode de caractérisation des pertes (cf. courbe ci-dessous)

Cette analyse permet d’identifier les grandes catégories de pertes et surtout de les quantifier vis-à-vis du temps de cycle. Evidemment, plus le pas de mesure de l’avancement est petit et le nombre de processus observés est grand, meilleure est la précision de l’analyse.

En revanche, cette méthode ne permet pas d’identifier un type de pertes parfois importantes, le temps affecté à la recherche de cause source de non-conformités et à leur suppression. En effet, ces pertes n’entraînent souvent pas l’arrêt du processus. Il est donc important d’avoir un suivi qualitatif et quantitatif de la non-conformité. Il est également important de différencier deux types de nonconformités et donc de pertes ; pour schématiser :

  • La non-conformité liée à des problèmes de qualité produit, le plus généralement défauts en sortie de fabrication ou pièces manquantes (et donc liée aux périmètres Manufacturing ou Supply Chain),
  • La non-conformité liée à des problèmes de design produit (donc liée au périmètre Engineering). Cette deuxième catégorie s’apparentant à de la non Valeur-Ajoutée (activités de déverminage…) car inhérente au processus considéré.

Implication des acteurs et mise en place d’actions en regard des jalons projet en amont

Une fois les pertes caractérisées et identifiées, les grandes pistes d’optimisation apparaissent clairement. Elles peuvent-être d’au moins deux natures :

  • Les pertes de processus pures. Elles s’éliminent avec les outils classiques du Lean Manufacturing (5C, Quick Changeover, Visual Management…),
  • Les pertes liées aux interfaces avec d’autres métiers ou le Management de projet.

Le plus souvent, l’analyse des points bloquants mène à identifier des pertes de cette deuxième nature. Elles se traitent par la mise en place d’actions en amont, concertées avec les acteurs projet en interface, en regard des jalons projet. Ces actions sont bien évidemment dépendantes du type de processus industriel considéré et nous ne saurions en dresser une liste exhaustive ou applicable dans tous les cas.

Cependant, nous pouvons en décrire le profil type et lister quelques actions récurrentes pour des processus non encore analysés. Ces pertes, liées aux interfaces entre les différents métiers, se résolvent par une meilleure implication des acteurs projet au bon moment, par des actions de Management de projet :

  • Implication de tous les métiers projet (même partiellement) dès la phase de lancement de projet, voire d’offre, afin d’harmoniser les plannings des différents métiers sur la base du REX, de temps-méthode, voire de l’enchaînement logique des tâches des différents
    processus le cas échéant,
  • Implication en amont des fournisseurs pour s’assurer de la bonne adéquation des sous-produits avec le produit final (validation et essais en amont au besoin, formation des équipes projet au sous-produit et à ses interfaces avec le système),
  • Reporting journalier adapté envers le Management de projet à mettre en place lors des phases en mode dégradé,
  • Traitement de la non-conformité à plusieurs niveaux d’action (Description, Caractérisation, REX+Management+Action), s’appuyant sur des outils de management (RACI, Matrice de Risque, Liste Unique des Problèmes, Réunions de suivi hebdomadaires…) et des équipes dédiées à chaque niveau (Core Teams)

Ce type d’actions, combinées à l’utilisation d’outils classiques du Lean Manufacturing peuvent permettre, sur des processus industriels vierges de toute analyse, de diminuer d’un quart à un tiers le temps de cycle. Cela nécessite cependant un réel investissement du Management de projet par leur soutien de la démarche et la participation de tous les acteurs projet dans la création et la mise en place d’outils vraiment adaptés à la situation.

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