Points de vue | Perspectives

Optimisation des ventes grâce à une meilleure répartition des flux

Comment réorienter et mieux prioriser les flux vers les magasins afin d’augmenter le chiffre d’affaires du réseau ?

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Les stocks sont au cœur de la performance du distributeur et leur optimisation a un impact sur l’ensemble de l’entreprise et ses résultats. Optimiser n’implique pas forcément une réduction mais plutôt une adaptation continue et partout de la quantité stockée – en anticipant les variations de la demande.
Cette optimisation engendre de nombreux effets positifs :

  • moins de ruptures ayant pour conséquence une meilleure satisfaction client et une augmentation du chiffre d’affaires immédiate et durable
  • des délais plus courts permettant également une meilleure satisfaction client et la fidélisation, ainsi qu’une hausse du chiffre d’affaires
  • moins de stock à solder en fin de saison et donc une augmentation de la marge
  • moins de stock globalement détenu par l’entreprise et donc une « libération » de moyens financiers permettant d’investir et de développer le réseau et/ou les canaux de vente

Pour maintenir une offre produit dynamique, les enseignes de prêt-à-porter font reposer leur stratégie sur un renouvellement fréquent. Elles s’appuient sur des mini-collections planifiées et sur de l’actualisation régulière.
Les périodes de ventes s’organisent ainsi autour d’évènements de marché permettant de rythmer l’offre produits par une succession de « thèmes » ciblés. Le cycle de vie du produit est court et la vente hebdomadaire à l’article faible. Le fond de rayon quant à lui est constitué d’articles « basiques » plus ou moins permanents qui doivent pouvoir s’intégrer aux thèmes. Quelques principes restent inhérents : acheter moins mais mieux, adapter sa production à la demande sur un marché très réactif où les collections s’enchaînent, où les ventes sont sensibles à la météo et où l’approvisionnement peut prendre plusieurs semaines.
Après les actions de mise en valeur de stock, s’il reste encore du stock dans les points de ventes, vient le moment de la démarque, qui est le principe même des soldes.

Bien souvent, avec les mêmes événements de marché et la même offre en place dans les rayons, les boutiques du réseau présentent une grande disparité de chiffre d’affaires. Dans un parc de points de vente importants et hétérogènes, le coefficient de chiffre d’affaires est supérieur à 3 entre les points de vente leader et la moyenne.

Bien sûr il faut tenir compte de l’attractivité de l’emplacement des boutiques, des priorités données dans l’utilisation du disponible ou même du chiffre d’affaires historique. Théoriquement, afin d’attirer le client et d’augmenter la probabilité de vendre, une marque doit pouvoir présenter un maximum d’articles en magasin. Or, les surfaces de vente ne sont pas extensibles et le prix du mètre carré reste un point épineux. L’optimisation du stock devient alors une priorité pour les magasins. Par exemple, les magasins de faible ou de moyenne capacité subissent plus fortement les situations de pénurie que les boutiques de grande capacité.

S’ajoute à cette problématique de gestion des stocks, de nouvelles exigences clients en termes de services : désormais ces derniers attendent des marques qu’elles fournissent l’information sur leur stock en temps réel. Le consommateur final s’attend à pouvoir le commander et le payer en ligne pour ensuite le récupérer dans la boutique de son choix grâce au click & collect. Il s’attend aussi à pouvoir consulter le stock de sa boutique habituelle avant de s’y rendre pour essayer et acheter le produit voulu. Aussi afin d’attirer les clients vers les points de vente physique, certains proposent et mettent en avant des articles en stock limité en ligne, qui sont seulement disponibles en magasin.

Notre expérience a montré que le chiffre d’affaires du réseau se développera si l’on traite équitablement l’ensemble des magasins.

1. Règle n°1 : présenter une offre cohérente sur l’ensemble des boutiques

Le chiffre d’affaires se construit avec la disponibilité immédiate et la rotation des articles. Dans ce contexte, la force et l’attraction de l’offre en magasin se dégagent de sa cohérence. Elle ne peut pas être limitée ou réduite par des manques voulus (sélectivité) ou subis (ruptures de stock), d’autant que tactiquement, la période de vente prévue est courte. Cette disponibilité doit être consultable par le client pour les magasins via les applications ou sur le site marchand de la marque. Le consommateur final s’attend à pouvoir acheter ce qu’il y a en boutique sur le site internet.
Evidemment, si l’identité de marque est bien identifiable en magasin et cohérente avec l’ensemble du réseau, la sélection de produits pourrait varier en fonction de l’emplacement du magasin et la clientèle (offre plus pointue et éditions limitées…), ce qui impacte la gestion des stocks. Il est important d’être pertinent localement : dès lors que c’est possible, les commerçants doivent se stabiliser et apprendre à bien connaître l’environnement dans lesquels ils opèrent et les habitudes de consommation de la clientèle au sein de la zone de chalandise.

LES PRINCIPES

  • Tendre vers une disponibilité de l’ensemble de l’offre dans toutes les boutiques et sur le site internet
  • Garantir la même lisibilité dans toutes les boutiques (le chargement est fonction de la capacité boutique et des prévisions de ventes du produit)
  • Garantir à terme les mêmes services dans les boutiques (click and collect, ship from store)
  • Adapter la pertinence de l’offre et la gestion des stocks en fonction de l’emplacement et la connaissance client

2. Règle n°2 : minimiser les ruptures boutique en début de vie des thèmes et gérer le risque volume

Il faut savoir jongler judicieusement avec les flux pour bien répartir les articles entre les boutiques. Au point de vente, les ventes à l’article sont généralement faibles. Comme le volume de réassort sera limité à la période de vente, l’affectation de la disponibilité des articles constitue un choix déterminant.
Le volume de vente affecté initialement au réassort reste bien souvent limité. Ainsi pour une période de vente de 7 semaines, la mise en place en boutique de 70% du volume génère un disponible pouvant correspondre à seulement 2 semaines de réassort. Dans ces conditions les ruptures magasins sont inéluctables et surviennent tôt dans le cycle de vente.

Cette fragilité peut être gommée en augmentant le volume acheté par rapport au budget de vente : avec un volume acheté de +40% par rapport au budget ventes, on augmente de 3 semaines la période de réassort ce qui limite les ruptures.
Cela permet de privilégier les magasins à forte rotation en les réapprovisionnant plus longtemps.

LES PRINCIPES

  • Implanter en fonction du potentiel pour essayer de couvrir la plus forte semaine de vente

     

  • Garder en central une part importante du stock pour le réassort des produits à fort potentiel

3. Règle n°3 : gérer efficacement le disponible

Le stock boutique doit :

  • Assurer les ventes pendant le délai de réapprovisionnement :
    A délai identique, le niveau de stock est fonction du potentiel de vente de chaque produit (Phare, Fort, Moyen, Faible, Très Faible)
  • Garantir l’équilibre et la dynamique de l’offre :
    Pas d’offre sélective
  • Occuper l’espace de vente :
    En plus d’immobiliser l’espace de la surface de vente, le stock implique également une gestion des flux de trésorerie qui peut être lourde pour une boutique. Evidemment optimiser les stocks et en réduire le niveau permet d’élargir l’espace de vente et donc la gamme présentée en boutique et en conséquence de soutenir les forces de vente. Le niveau de stock dépend évidemment de la capacité magasin (segmentation du réseau en groupe de magasins de même capacité)
  • Être consultable en ligne :
    Les stocks et la disponibilité de chaque pièce, ainsi que la possibilité du click & collect doivent être consultable en ligne, à la fois sur le site marchand ou sur les applications de la marque. Le click & collect est intéressant car il permet à la marque de créer à nouveau un lien avec client et lui amener du service. Autre avantage : c’est le client qui se déplace.
  • Permettre le ship from store : gérer les commandes e-commerce depuis les magasins
    Aujourd’hui, 20% des stocks en magasins peuvent être commandés en ligne pour ensuite être livrés à domicile ou en point retrait, d’après le baromètre omnicanal Capgemini Consulting/LSA (6ème édition, 2017). Le service ship from store, qui apparaît comme une valeur ajoutée pour le client, transforme chaque magasin en centre logistique permettant la création d’un stock unifié, disponible pour l’ensemble du réseau et notamment pour le site internet. Pourtant, ce service n’est peut-être pas si avantageux financièrement pour l’entreprise, les solutions de transport étant très coûteuses. Ainsi, cette solution n’est viable financièrement que dans les pays où le coût du transport est faible.

 

    LES PRINCIPES

    • Approvisionner en continu le stock boutique initial
    • Anticiper la pénurie pour ne réapprovisionner que les boutiques à forte rotation
    • Redistribuer le stock boutique quand inutilisé

    Le risque de rupture en magasin dépend de son stock initial et des règles d’affectation du disponible au niveau central.

    Pour minimiser les ruptures des boutiques performantes, le besoin de réactivité et de flexibilité est primordial. Cela implique de prioriser les réassorts et/ou d’augmenter « localement » la réactivité.

    Le stock magasin doit être réalimenté des références vendues pour maintenir l’équilibre et la dynamique de l’offre en magasin. L’approvisionnement en continu assure réactivité et fluidité ; l’adéquation aux ventes réelles est assurée par l’accélération ou le ralentissement de la rotation. On peut notamment optimiser les stocks qui ont le moins de rotations et miser sur les commandes en point de vente.

    La quantité de stock disponible dans un point de vente doit donc dépendre de sa capacité de rangement et des règles de merchandising. C’est la bonne rotation du stock qui créé la valeur et non la quantité de stock car disposer de plus de stocks ne signifie pas forcément plus de ventes.

    Les grandes étapes à respecter :

    1. Priorisation du réassort (quotidien)

     

    Les boutiques sont réparties en groupes de priorité réassort, en fonction de leur rotation de stock de la précédente saison. Cet ordre de priorité est utilisé afin de répartir la marchandise disponible.

    Seuls les articles vendus sont réassortis sur une base identique réassort = vente, dans la mesure des stocks entrepôt disponibles.

    2. Gestion anticipée de la pénurie entrepôt (hebdomadaire, effectuée pendant la 1ère moitié de la période de ventes des thèmes)

     

    Grâce à un suivi des ventes, les ruptures entrepôt sont anticipées.

    Les ventes des références présentant des risques de pénurie sont ensuite analysées au niveau boutique.
    Cette analyse permet alors d’arrêter le réassort des boutiques peu performantes pour le diriger vers les meilleures rotations.

    3. Gestion du stock résiduel boutique (hebdomadaire, effectuée pendant la 2ème moitié de la période de ventes des thèmes)


    Il dépend du niveau du stock boutique, de la date de fin de la période de vente, et de l’objectif de ventes. 

    Pour chaque référence, le moment de l’arrêt du réassort intervient lorsque son niveau de couverture en boutique est trop élevé.

    4. Règle n°4 : se doter d’une réactivité optimale

    Le délai d’approvisionnement est au cœur des décisions pour répondre au marché et garder le niveau de stock le plus bas possible. Les spécialistes de la valorisation des produits et de la gestion de l’approvisionnement utilisent les techniques de DDMRP (demand planning), mettent en place une stratégie de «Pull » en opposition au « Push », améliorent la trésorerie et réduisent les stocks dormants sur la chaîne d’approvisionnement. Ils travaillent avec des outils d’«open to buy» /« Wssi » et suivent avec attention les indicateurs comme la rotation de stock, la démarque, le taux d’écoulement ou la couverture de stock.

    Mais attention au délai non maîtrisé !

    En période de fortes ventes, tout se joue à la ½ journée, il ne sert à rien d’être en recherche continue de performances logistiques si la remontée des ventes n’est pas rapide ni sécurisée et/ou si les rayons ne sont pas rechargés dès l’arrivée du réassort en boutique.

    LES PRINCIPES

    • Garantir un délai de réapprovisionnement court (3 jours)
    • Simplifier la gestion du disponible
    • Renforcer le pilotage hebdomadaire de la force de vente dans sa dimension produit

    5. Règle n°5 : redistribuer le stock boutique non utilisé

    L’échelle de temps peut être rapide dans le secteur textile. Par exemple, un produit non écoulé en 2 mois peut être signe de mauvaise performance. La réactivité des marques au cours de la saison en commercialité ou démarque est donc nécessaire pour une bonne performance finale.

    Retourner le stock résiduel à l’entrepôt en fin de saison peut s’avérer inévitable. La logistique des retours doit s’organiser pour collecter les colis de divers points de vente. Le stock peut être alors très fragmenté et mélangé. Le coût du transport est essentiel puisque le coût de la marchandise commence à être plus élevé que ce qu’elle ne peut en rapporter.

    LES PRINCIPES

    • Retourner le stock résiduel à l’entrepôt
    • Simplifier la gestion du disponible
    • Pratiquer le déstockage si cohérent avec l’image de marque

    Une fois les produits réceptionnés à l’entrepôt, l’idéal est de les retourner, si leur état le permet, dans un réseau de magasins outlet, vers des spécialistes du déstockage. Ils peuvent également être envoyés à nouveau vers les mêmes points de vente aux prochaines soldes. Comme ces produits ont déjà eu leur chance, leur potentiel de vente n’est pas certain et leur approvisionnement dégraderait encore un peu plus la marge : ainsi, les dernières pièces pourraient être vendues à des soldeurs et générer de la trésorerie.

    D’autres possibilités sont à explorer pour écouler le stock boutique restant comme le vendre sur un site dédié ou une boutique de déstockage de marque. Cependant, cette concurrence peut être mal vue des réseaux physiques. Certaines marques premium ont d’ailleurs abandonné leur site de déstockage dédié afin de préserver leur image.

    L’idéal est finalement de pouvoir vendre ces stocks résiduels des entrepôts mais aussi ceux des magasins sur un site web en cours de saison. Pour cela, il faut disposer de tout le stock en un seul endroit physique : un entrepôt logistique. Il faudra donc collecter les stocks résiduels en magasin quand il est encore temps et lorsque les produits correspondent au besoin du marché.

    Ces solutions permettent de générer de la trésorerie, sauver la marge de ces produits et libérer l’espace de vente des magasins pour accueillir de nouveaux articles.
    Une complexité logistique : des lots de vêtements mélangés, souvent sans étiquette arrivent au fil des livraisons. Ces pièces devront être triées, reconditionnées, rangées puis préparées à nouveau et parfois réexpédiées dans les 24h.

    Simplicité et efficacité garantissent une bonne réactivité, adaptabilité opérationnelle, organisation de la collecte, synchronisation avec le réseau commercial, traçabilité…

    Dans tous les cas, seule une vision globale de la chaine de valeur, à l’aller comme au retour, sur le plan financier comme opérationnel permettra de prendre les bonnes décisions. Si le stock a bel et bien une valeur, il a aussi un coût.

    6. Règle n°6 : se doter de bons outils

    Les boutiques se dotent d’outils digitaux afin d’assurer l’administration et la synchronisation des données. On retrouve désormais souvent en boutique des tablettes d’aide à la vente, permettant aussi de gérer les arrivées de stock. Celles-ci sont aussi des outils de collecte de donnée client. Ces données doivent alors être transformées pour passer du quantitatif à la donnée intelligente et qualitative, dans le but de proposer une offre toujours plus personnalisée, proche des attentes des clients. Selon une étude d’Accenture Strategy en 2018, 66% des français interrogés se disent plus enclins à consommer des produits d’une marque qui personnalise son offre ou son expérience d’achat. S’assurer des envois de mails personnalisés c’est renforcer la fidélisation des clients et booster l’effet drive-to-store ou drive-to-web.

    LES PRINCIPES

    • Equiper ses équipes de ventes
    • Utiliser la Big Data pour en faire de la Smart Data

    Si la mise en place d’outils digitaux est nécessaire en boutique, le vrai challenge ne se situe pas forcément en boutique mais bien au niveau des fonctions back-office et de la connaissance des stocks. Les distributeurs doivent avoir une vision unifiée de leur stocks (magasin, web, revendeur) et disposer d’une géolocalisation de tous leurs produits, avec une mise à jour régulière. Evidemment, toutes les enseignes n’ont pas encore terminé leur mutation, demandant de lourds investissements. Dès lors que l’on veut partager l’inventaire, il faut centraliser des données du magasin et de l’entrepôt, ce qui constitue un chantier conséquent.

    Cas : Les résultats obtenus chez un distributeur textile

    1. UNE AUGMENTATION DU CHIFFRE D’AFFAIRES

     

    L’évolution de la part du chiffre d’affaires de magasins utilisant ces nouveaux principes d’implantation et de réassort montre des gains cumulés de l’ordre de 10% :

    • les magasins sont mieux stockés
    • les ruptures sont plus tardives

    2. UNE BAISSE DU NOMBRE DE RUPTURES

    3. UNE SIMPLIFICATION ET UNE OPTIMISATION DES METHODES DE TRAVAIL

    En entrepôt :

    • des gains de temps sont réalisés sur les préparations des thèmes
    • le lissage de la charge est rendu possible grâce aux nouvelles règles de réassort

    Au siège (gestion aval des flux) :

    • les démarches d’implantation et de réassort ont été simplifiées, systématisées et automatisées
    • le nombre de réclamations émanant des boutiques a diminué.

    Au niveau du réseau de boutiques  :

    • des équipes de ventes sensibilisées à « vendre mieux »
      – partage immédiat des résultats et des pratiques gagnantes
      – pousser les articles disponibles
    • la prévision et le traitement commercial des ruptures sont facilités
    • la réception et le rangement des marchandises du réassort sont désormais lissés sur la semaine.

    Pagamon est un cabinet de conseil en stratégie et transformation fondé en 2013. Nous accompagnons dans leur recherche d’équilibre les principaux acteurs des secteurs de l’industrie, des services et des sciences de la vie. En les aidant à structurer leur vision stratégique, à transformer leur modèle opérationnel et/ou digital, et à piloter le changement. Afin de soutenir une croissance rentable, durable et responsable. Acteur engagé, Pagamon anime l’Observatoire de l’Entreprise Équilibrée™, articulé autour d’un “think tank” et d’une enquête annuelle. Afin d’apporter un éclairage innovant, parfois décalé, sur l’accompagnement stratégique des transformations pour soutenir la croissance des entreprises.