Points de vue | Perspectives

Comment les entreprises revoient leur organisation pour prendre le virage de l’expérience client ?
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La marque de cosmétique Glossier, née sur la toile, révolutionne l’expérience client en partant des besoins du consommateur et en l’incluant dans le processus de création produit. Elle mise sur l’émotion, joue sur l’authenticité et vise une qualité de service irréprochable, toujours en plaçant l’humain au cœur de son ADN. Elle développe un réseau de flagships où le côté transactionnel s’efface dans un véritable lieu de vie et d’échange, spécialement conçu pour être photographié et documenté sur les réseaux sociaux.

Les ruptures technologiques ou la naissance de nouveaux modèles économiques par le biais du digital remettent alors en question des industries jusque-là solidement établies. Les interactions entre le client et une marque se multiplient, ce qui donne l’occasion au consommateur d’être plusieurs fois satisfait ou déçu tout au long du parcours client. Pourtant l’instauration d’une culture client se heurte encore trop souvent à des freins internes liés à l’existence de silos organisationnels. Les entreprises sont elles prêtes à opérer ces transformations nécessaires pour revoir les organisations et les tourner vers le client ?

L’expérience client : un sujet stratégique pour les directions d’entreprise

L’expérience client intègre l’ensemble des sentiments ressentis par un client au cours des interactions qu’il peut avoir avec une marque ou une entreprise – physiques ou dématérialisées.

Elle concerne aussi bien le parcours avant l’achat (recherche d’informations sur des produits, services, tarifs), que pendant l’achat (contact avec le conseiller de ventes, explication des conditions d’achat, livraison du produit), ainsi que l’après-vente (entretien, achat de produits complémentaires, relation longue durée entre le client et la marque).

L’expérience client prend en compte la dimension « multicanal » et « multi-métiers » mais également celle liée à l’affect et à la perception du consommateur au-delà de la simple satisfaction produit. L’expérience client s’inscrit dans un contexte où la digitalisation a complètement transformé les relations entre consommateurs et entreprises.

La conséquence directe de la digitalisation du parcours d’achat est une évolution du comportement des clients et de leurs attentes.

Le client a à sa disposition une masse d’informations disponibles – comparateur de prix, forum, avis consommateur, product ranking …- il est mieux informé et prépare davantage son achat bien avant de se rendre sur un point de vente physique. Ces interactions multiples, aussi bien physiques que dématérialisées, doivent ainsi impliquer l’ensemble des métiers (réseau de points de vente, call center, site web, stratégie CRM, etc.). Les maîtres mots sont fluidité, facilité et personnalisation. Ce constat est clairement identifié dans le dernier rapport du FXI1 : « Les expériences sur les différents canaux se mélangent les unes aux autres du point de vue du client comme jamais auparavant. Les consommateurs ne différencient plus leurs parcours en ligne, en magasin ou sur le mobile, ils voient désormais ces canaux comme des moyens différents d’entrer en contact avec la même société. »

Les canaux se confondent d’autant plus que ceux-ci sont parfois utilisés simultanément : « La moitié (51%) des acheteurs mobile et web utilisent leur smartphone tout en étant dans un magasin – souvent pour comparer les prix ou obtenir plus d’informations sur les produits ».

Fournir un bon produit n’est plus suffisant. Proposer une approche globale intégrant les différents canaux et permettre une expérience homogène et cohérente est indispensable. Les entreprises amorcent désormais un virage « customer centric », ce qui n’est pas sans impact sur leur organisation et leur fonctionnement internes.

Les 7 règles pour placer le client au coeur de l’expérience

1. PARTIR DU CLIENT

Etre à l’écoute du client ! Le client juge la marque à travers ses expériences vécues et évalue l’écart avec la promesse initiale. Ceci joue un rôle essentiel dans la construction de l’image de marque. Toujours connecté, il utilise les nombreux outils dont il dispose : ordinateur, mobile, tablette… Les frontières entre e-commerce et point de vente physique s’effacent.

Pour parvenir à proposer une expérience client sans couture, l’entreprise doit effectuer un diagnostic de l’existant en se mettant tout simplement à sa place ! Il faut segmenter les étapes de son parcours, cartographier les interactions existantes dans chacune d’elles, qualifier l’intensité des émotions ressenties par le client aux différents moments du parcours : qu’est ce qui est important pour lui et comment juge-t-il la marque sur ces critères ?

La marque doit se doter de moyens pour capter les attentes du client, comprendre son ressenti et mesurer sa satisfaction en s’appuyant sur des enquêtes ou des « focus groups ».

Améliorer l’expérience client c’est cibler les moments du parcours où les attentes sont fortes, identifier les pistes de progrès afin de lancer des nouvelles initiatives. Ce diagnostic permettra d’établir un constat exhaustif des forces et faiblesses de la marque par rapport aux attendus du client aux différents points de contact du parcours.

2. …POUR ARRIVER AU CLIENT

Les marques doivent s’adapter à ces nouveaux usages, en proposant à leurs clients un environnement physique et numérique complémentaire. Prix, information, fluidité du parcours, personnalisation de la relation, cohérence du discours, continuité de l’expérience.

Les interfaces avec le client doivent donc être structurées de manière dynamique et interactive que ce soit sur Internet, dans les points de vente, en face à face, au téléphone ou lors d’événements afin d’assurer une homogénéité de l’expérience dans le temps et l’espace.

Les « virtual show room », les call centers dédiés, la personnalisation des dispositifs de fidélisation sont des exemples de services hors produit proposés par les marques pour parfaire l’expérience client et se démarquer de la concurrence.

Le Big Data va permettre de mieux tenir compte des préférences du client et de retracer les achats effectués. La connaissance du client s’améliore ce qui permet de proposer des offres personnalisées. 

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3. REPENSER L’ORGANISATION DE L’ENTREPRISE

Disposer d’une vue unifiée du client tout au long de son parcours est parfois peu compatible avec l’organisation en silos de bon nombre d’entreprises, habituées à considérer le client sous l’angle de chaque fonction et non comme le sujet transverse majeur. Pour conduire une transformation réelle, le client doit être placé au cœur de l’entreprise.

Les points de contact doivent être repensés dans leur intégralité, dans leur chronologie et leur complémentarité afin de ne pas morceler son parcours. C’est là tout l’enjeu de la fluidité de l’expérience entre les différents canaux.

En termes d’organisation, la création d’une direction dédiée – ou a minima la nomination d’un propriétaire identifié du sujet –, en contact avec les autres entités de l’entreprise est une voie très efficace pour initier un changement profond et durable. Cette direction devient le garant de l’homogénéité des points de contact de chaque entité (digital, centre d’appel, réseau de points de vente physiques). Elle doit insuffler une stratégie client commune auprès des différents métiers, dont les objectifs et les indicateurs de performance sont souvent différents, voire parfois antinomiques.

4. ASSOCIER LES EMPLOYES DANS LA DEMARCHE DE L’ENTREPRISE

L’engagement des employés est clé : ils sont les représentants de la marque et les contacts privilégiés de l’entreprise avec le client. Les études menées par le FXI montrent que l’engagement des employés est corrélé avec la satisfaction client.

Pour engager les employés dans une démarche résolument orientée client, les changements sont profonds et demandent du temps. La formation des vendeurs ou conseillers en magasin doit intégrer la dimension comportementale et donner une vision plus complète au vendeur de ce que doit être sa relation avec le client – davantage relationnelle, que commercialement agressive.

L’objectif est de faire du point de vente un lieu de relation et de services, dans lequel le vendeur joue le rôle de conseiller-expert tourné vers accompagnement et le service personnalisé. Dans un Apple Store, les vendeurs sont formés pour faire vivre une expérience à leurs clients en leur délivrant une expertise. Chez Décathlon, les vendeurs sont avant tout des passionnés et transmettent leur propre enthousiasme à leurs clients.

5. INSTAURER UNE POLITIQUE DE REMUNERATION INCITATIVE

Comment sensibiliser les vendeurs et les managers à la qualité de service si leur rémunération variable est uniquement liée à des objectifs de volume de ventes ? Les mesures incitatives sont à repenser, de nouveaux indicateurs doivent être intégrés dans les rémunérations, prenant notamment en compte la qualité du service et la satisfaction client au delà du produit. Les rémunérations des forces de vente sont ainsi indexées à la fois sur l’atteinte d’objectifs définis en terme de volume et sur des critères de satisfaction client.

 

6. BENEFICIER D’UN SPONSORSHIP DE HAUT NIVEAU

Un programme d’amélioration de l’expérience client doit bénéficier d’un sponsorship de haut niveau, faute de quoi, il est voué à l’échec. L’adhésion du top management permet de lancer les investissements et insuffler la dynamique nécessaires pour développer une véritable culture du client.

Elle prendra appui sur une organisation dédiée avec des moyens humains et budgétaires. Une communication interne mobilisera les membres de l’entreprise dans la démarche – des vendeurs et conseillers aux équipes dirigeantes et directions métiers – afin d’initier un véritable changement dans la culture de l’entreprise.

7. S’APPUYER SUR UNE FORTE IMPLICATION DU MANAGEMENT

L’expérience client n’est pas toujours considérée comme un sujet stratégique, ses bénéfices sont souvent difficiles à évaluer et parfois peu visibles à court terme. Elle doit asseoir sa crédibilité sur un management expérimenté fortement impliqué dans la mise en œuvre d’actions concrètes.

Des instances dédiées, des comités de pilotage réguliers sont indispensables pour l’inscrire dans une logique de transformation d’entreprise.

Un retour sur investissement difficile à quantifier mais tangible à moyen terme

La difficulté à attribuer un retour sur investissement visible et précis peut fragiliser la démarche et la remettre en cause. Effectivement les investissements dans ce domaine sont immatériels et l’on ne mesure pas l’impact immédiat sur les ventes. Sans ROI identifié pour les programmes d’Expérience Client, les entreprises seront réticentes à allouer un budget spécifique. Adosser le pilotage du ROI à un programme d’expérience client crédibilisera les initiatives.

En revanche, les entreprises ayant mis un œuvre un tel programme on vu leur NPS s’améliorer. Les bénéfices se révèlent à moyen terme. L’amélioration de la fidélisation permet d’accroître le revenu moyen généré par client. Un client satisfait aura tendance à dépenser plus auprès de la même marque induisant un panier moyen plus élevé. A l’inverse, un client déçu est très difficile et coûteux à reconquérir.

Diminuer le désintérêt des clients pour une marque permet à la fois de limiter les coûts liés aux campagnes CRM tout en allongeant la « durée de vie » du client et donc son potentiel d’achat à long terme. Avec une expérience client de haute qualité et fortement personnalisée, le client peut même devenir un ambassadeur de la marque et inciter son entourage à acquérir ses biens et ses services. Ces recommandations – ne nécessitant aucun coût additionnel sont les plus écoutées et appréciées des consommateurs.

Sur de nombreux sites Internet comme ceux de Darty, Booking, lafourchette.com ou plus confidentiel celui de lesnumeriques.com pour les produits hi-tech, chaque consommateur a la possibilité de consulter les avis qui influenceront son acte d’achat. Il peut ainsi se forger une opinion éclairée sur les produits et services proposés.

Une démarche en 5 étapes pour améliorer l’expérience client

1. Définir le parcours type

 

 

  • Identifier les interactions clients/marque
  • Analyser tout type de canal

2. Recueillir l'avis du client

 

  • Recueillir les verbatims
  • Mesurer la satisfaction sur les interactions clients/marque
  • Identifier les points de frictions
  • Identifier l’écart entre la promesse et l’expérience vécue

3. Améliorer la satisfaction client

 

  • Mettre en place des leviers d’améliorer d’enchantement client
  • Réduire les points de frictions

4. Se différencier par le service

 

 

 

  • Mettre en place la cohérence entre le discours et le service sur tous les canaux
  • Se comparer aux meilleurs

5. étendre l'engagement client

 

  • Suivre le ROI de l’expérience client
  • Mesurer l’adhésion en interne
  • Mettre en oeuvre les bonnes pratiques
  • Faire du client un ambassadeur de marque

Au-delà des considérations propres au produit, c’est bien l’expérience client qui détermine d’une part le niveau d’attachement et de fidélité des clients à une marque, d’autre part des arguments de conquête de nouveaux segments de client.

La perspective d’augmentation de volume qui en découle est donc forcément attractive même si le ROI n’est pas toujours facile à mesurer immédiatement.

Concentrer ses efforts sur l’amélioration de l’expérience client, c’est investir sur l’avenir en travaillant à la fois sur la fidélisation et sur la conquête, dans une perspective de différenciation concurrentielle positive. Porter la culture du client au sein d’une entreprise nécessite des changements organisationnels et culturels multiples, profonds et parfois longs. La création d’une direction dédiée ou au moins la mise en place d’une responsabilité claire, la recherche d’expertise et de moyens sont indispensables pour obtenir des résultats durables.

 

Pagamon est un cabinet de conseil en stratégie et transformation fondé en 2013. Nous accompagnons dans leur recherche d’équilibre les principaux acteurs des secteurs de l’industrie, des services et des sciences de la vie. En les aidant à structurer leur vision stratégique, à transformer leur modèle opérationnel et/ou digital, et à piloter le changement. Afin de soutenir une croissance rentable, durable et responsable. Acteur engagé, Pagamon anime l’Observatoire de l’Entreprise Équilibrée™, articulé autour d’un “think tank” et d’une enquête annuelle. Afin d’apporter un éclairage innovant, parfois décalé, sur l’accompagnement stratégique des transformations pour soutenir la croissance des entreprises.